Tondre ou ne pas tondre ? et si oui, comment ?
par Christiane Giudicelli
Je reprends ici un article que j'ai écrit il y a plusieurs années, après l'avoir un peu réactualisé.
A l'état sauvage, guanacos et vigognes muent (= perdent leurs poils de façon naturelle). Lamas et alpagas sont des animaux domestiques, c'est-à-dire que l'homme est intervenu dans leur évolution : ils ne muent pas. Il est donc indispensable de gérer la pousse de la laine afin qu'ils ne souffrent pas trop de la chaleur. Ne pas les tondre est assimilable à de la maltraitance.
Concernant les alpagas, il convient de les tondre tous les ans. Je conseille que vous fassiez appel à un tondeur professionnel, au moins la première fois, pour voir comment cela se passe. Attention, un tondeur de moutons n'est pas formé pour tondre des alpagas. C'est une technique totalement différente. Ces tondeurs tournent sur toute la France (même parfois en Suisse ou Belgique). Comme ils sont très sollicités, pensez à vous inscrire auprès d'eux dès février-mars, ainsi vous serez inclus dans une de leurs tournées. Vous trouverez des adresses de tondeurs d'alpagas en suivant ce lien ci-après.
Pour les lamas classiques, je choisis de tondre une fois tous les deux ou trois ans, selon la pousse de la laine, en réfléchissant à la chaleur de l'été (pour les randonneurs, cela peut être tous les deux ans, voir tous les ans). Si leur laine est contaminée par des graines indésirables, type grande bardane (Arctium lappa L.), je tondrais également une fois par an, pour éliminer ces végétaux qui amalgament la laine.
Je peux choisir de ne pas tondre le cou, ni les pattes, si la laine est trop courte par exemple. Mais je me suis aperçue que ne tondre que la " selle " est très pénalisant pour le lama lainé qui va quand même réellement souffrir de la chaleur. Personnellement, je déconseille de se contenter de ce schéma de tonte. L'éleveur pourra facilement se rendre compte de la chaleur en glissant la main sous les aisselles de l'animal : il s'apercevra très vite de la température que doit supporter un lama lainé pas assez tondu ! Je pense qu'on peut choisir cette tonte (selle uniquement) si on doit présenter le lama sur un show, juste avant l'été, mais je trouve indispensable de finir complètement la tonte dès le show passé.
Comment tondre un lama : Question organisation, je choisis une paire de ciseaux bien affûtés avec ressort, ce qui m'évite les ampoules. J'utilise soit le couloir de contention (décrit dans le livre " LAMAS ET ALPAGAS, les connaître, les élever " page 36), soit le petit corral ; dans les deux cas, le lama reste debout. Dans le couloir de contention, le lama est tenu au licol. Dans le petit corral, le lama peut rester libre, je tourne autour de lui.
Tonte dans le couloir de contention :
Lors de la tonte, je place à côté de moi trois grands cartons dans lesquels je déposerai la laine coupée selon la qualité I, II et III. Quand le lama à tondre est installé dans le couloir de contention, je lui donne une grande brassée de foin pour qu'il garde patience.... je commence par couper le long de la ligne du dos, puis je descends sur le flanc qui me fait face. Cette laine est généralement de la qualité I (très bonne).
Puis je tonds le ventre (qualité III principalement, médiocre), puis j'élargis la tonte vers les cuisses. Ici, nous rencontrerons souvent de la qualité II, et sur le bas des cuisses : la qualité III. Puis, je commence à tondre le cou (qualité II). Si le couloir de contention me gêne, je sors le lama du couloir pour pouvoir continuer.
Cette méthode de tonte dans le couloir de contention présente l'avantage incontestable d'être très apaisante pour l'animal : pas de stress et pas de brutalité. De plus, elle ne nécessite qu'une seule personne et n'utilise pas la force. Cette tonte me demande généralement 3/4 d'heure pour un animal. Cette méthode suppose que le lama accepte facilement le licol. L'idéal est de lui avoir appris le couloir de contention au préalable. S'il est inquiet, choisissons un moment où nous - personnellement - sommes tout à fait calme et détendu. Pensez à expirer tranquillement et longuement, cela calme le lama, quitte à faire ces expirations un peu forcées et sonores.
Tonte dans le petit corral :
J'ai cependant quelques lamas qui ne supportent pas le licol. Pour eux, je m'installerai très tranquillement dans le petit corral, sans les tenir. Je choisis un jour sans visiteurs et où je ne suis pas bousculée par un rendez-vous... Si je sens que le lama perd patience, ce n'est pas grave : je le relâche avec ses compagnons et je fignolerai les dernières mèches des pattes un autre jour. Cela ne nuira pas à ses performances !
Si vous êtes amené à tondre un lama vraiment difficile, vous pouvez également sans culpabilité utiliser un calmant, car après tout, ce qu'on recherche, n'est-ce pas, ce n'est pas la performance, mais le bien-être de l'animal.…
Après la tonte, je surveillerai attentivement la météo, au moins la première semaine. Trop de soleil ? le lama restera aux heures chaudes à l'abri des rayons et des coups de soleil, dans son écurie. Les coups de soleil sont une réalité chez les lamas ou alpagas fraîchement tondus à ras (même s'ils ont la peau brune ou noire). Pluies ou nuits froides annoncées ? ils seront rentrés au sec pour éviter qu'ils n'attrapent bêtement une pneumonie.
Quand tondre ?
Je suggèrerai de tondre quand les grands froids ne sont plus à craindre, vers la fin du printemps. Dans notre région, j'aime bien tondre mi-Juin-début Juillet, que la laine ait bien le temps de repousser avant l'hiver. Je déconseillerai de tondre après la deuxième quinzaine d'Août.
Cependant, il m'est arrivé de recevoir des lamas avec plusieurs années de laine sur le dos, une laine totalement feutrée, et/ou pleine de graines de grande bardane. Là, que ce soit la saison de tondre ou non, il faut agir : il s'agit de la santé de l'animal ! Quand la laine est feutrée : la peau ne peut pas respirer (souvenez-vous un pull qui feutre : il rétrécit de 30 Ù et devient trop petit). De plus, une laine trop abondante, feutrée, deviendra terriblement lourde avec la pluie. Or, la laine lourde " tombe ", donc forme une raie au milieu du dos. L'échine se trouve alors dégarnie et contrairement à ce qu'on aurait pu croire avec autant de laine, le lama aura froid, la colonne vertébrale se trouvant nue, directement au contact de la pluie ou de la neige. Mais comment faire si c'est en plein hiver ? Et bien, je vais faire une " demi-coupe " : je vais essayer de tondre en enlevant les parties souillées ou trop feutrées, et laissant sur l'animal 5 à 6 cm de laine. Avec les ciseaux, c'est tout à fait possible. Le souci, bien sûr, c'est que cela arrive sur des lamas qui n'ont pas ou très peu été manipulés. Donc, pas possible de leur mettre un licol et il faut travailler vraiment en douceur : c'est en effet bien souvent le premier contact " rapproché " que ces lamas ont avec des humains ! La solution : le petit corral, sans aucun doute !
Le petit corral :
Il s'agit d'un carré de 2m50 de côté, clôturé haut (2m), dont les barres seront espacées de 20 cm. Le lama ne pourra pas sortir. Pensez à garder proche de lui ses copains, juste de l'autre côté des barrières ! Le lama est libre dans le corral (pas de licol, pas de longe). Chaque fois que j'ai essayé de tondre un nouvel arrivant, dans ce mini corral, j'ai été surprise de voir comme cela se passait bien. En fait, dans la mesure où je tonds en laissant de la laine sur le corps du lama, il ne sent pas le contact de ma main ni des ciseaux sur sa peau. C'est un peu comme si la laine que je laissais sur son corps faisait écran et le protégeait et je suis sûre que c'est très rassurant pour lui et que cela doit contribuer à ce qu'il reste paisible.
Je ne laisse bien sûr pas traîner de cartons I, II et II dans le corral (cela inquièterait le lama) d'autant que, dans ces cas-là, toute la laine est généralement bonne pour la poubelle ! Je ne vais pas non plus me soucier de tondre un côté d'abord, puis l'autre : j'évolue à droite ou à gauche en fonction des mouvements du lama. Si je m'aperçois que le lama s'impatiente trop, que cela devient trop long et difficile pour lui, je le relâche et terminerai tranquillement le lendemain.
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